Karim El Aynaoui : « Intégrer les risques climatiques dans la planification stratégique»
5 min readKarim EL Aynaoui, directeur général du think tank marocain OCP Policy Center et auteur d’un livre sur le climat, a accordé une interview au quotidien économique français LesEchos, dans lequel il « explique pourquoi les entreprises doivent accélérer la transformation de leurs modèles économiques afin de placer le défi de la durabilité au centre de leurs objectifs. » Selon Al Aynaouin, l’enjeu est particulièrement important pour les entreprises travaillant à l’international, comme en Afrique ou en Asie ».
OCP Policy Center (OCPPC), en collaboration avec le Fonds monétaire international et l’Université de Columbia, a publié cette année un livre intitulé « Coping with the Climate Crisis : Mitigation Policies and Global Coordination ». Cet ouvrage synthétise les tendances clefs issues des récents travaux en économie du changement climatique sous la forme d’un guide utile et accessible aux décideurs et aux chercheurs. Il examine les implications économiques de la réduction de la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles, mais aussi le rôle des marchés financiers pour stimuler le développement d’infrastructures durables. Il évalue par ailleurs les risques associés avec l’incertitude liée au changement climatique et démontre notamment la nécessité d’une taxe sur le carbone, qui tient compte des problèmes de tarification ainsi que du rôle des politiques d’offre sur les combustibles fossiles. A cet égard, Aynaoui estime que les entreprises doivent désormais accélérer la transformation de leurs « business models » pour placer le défi de la durabilité au centre de leurs objectifs. Il juge que le fait d’intégrer les risques climatiques dans leur planification stratégique est nécessaire afin d’avoir une meilleure visibilité sur ces risques et d’anticiper l’accès à une économie à bas carbone et résiliente. Par conséquent, ajoute-t-il, il est primordial que la direction générale de l’entreprise soit impliquée dans ce processus, car cela est profitable aussi bien pour le climat que pour sa pérennité.
A titre d’exemple, Aynaoui cite le modèle du groupe OCP au Maroc qui mise sur le développement durable comme levier de compétitivité. Sa stratégie est d’augmenter la production tout en réduisant l’effet sur l’environnement à travers trois axes principaux : le transport des phosphates, l’économie d’eau et l’efficacité énergétique.
En 2014, le groupe a inauguré son premier Slurry Pipeline qui relie le site minier de Khouribga à la plate-forme de transformation de Jorf Lasfar. Ce pipeline a non seulement permis au groupe de doubler sa capacité de production de phosphate tout en réduisant considérablement ses coûts logistiques, mais il contribue aussi à réaliser d’importantes économies d’eau et de carbone, estimées respectivement à 3.000.000 m3 d’eau et 930.000 tonnes de CO2 chaque année. Par ailleurs, le groupe a également investi dans trois usines de traitement et de réutilisation des eaux usées urbaines et dans une usine de dessalement d’eau de mer de 25 millions de mètres cubes par an afin de ne plus prélever sur la nappe phréatique. Il subvient ainsi à une grande part de ses besoins hydriques et participe à l’épuration des eaux usées des villes voisines des sites du groupe.
En termes d’efficacité énergétique, le groupe OCP a développé des capacités de cogénération d’électricité et a augmenté la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique. Aujourd’hui, 70 % de la consommation d’électricité du groupe est à zéro empreinte carbone (cogénérée ou renouvelable) et deux mines du groupe (Boukraa et Benguerir) sont entièrement alimentées par l’énergie éolienne. D’ici à 2027, le groupe OCP compte couvrir 100 % de ses besoins d’énergie électrique par de l’énergie propre (éolienne, solaire, et cogénérée).
Et parce que le monde n’est pas sérieux sur le climat. Malgré l’engouement généré suite à l’Accord de Paris, affirme Aynaoui, il est témoin d’une reprise à la hausse des émissions de CO2 après trois années d’émissions stables, engendrées principalement par une croissance économique mondiale plus soutenue, une baisse dans les prix de combustibles fossiles et, notamment, une résurgence de l’utilisation du charbon, ainsi que des efforts en efficacité énergétiques insuffisants.