« Le monde va connaître une croissance anémique prolongée », selon la Banque Mondiale

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La directrice générale de La Banque mondiale, Sri Mulyani Indrawati

« Le monde va connaître une croissance anémique prolongée ». Ce sont là les conclusions de la directrice générale de la Banque Mondiale, Sri Mulyani Indrawati. Dans un entretien publié par le quotidien français, Les Echos, la responsable de la Banque Mondiale, qui devrait, nouvelle fois, abaisser prévisions croissance, estime qu’ « au cours de ces trois dernières années, nous avons revu sans cesse en baisse nos prévisions. » Pour 2015, la banque mondiale a amputé de 0,4 % sa prévision de croissance mondiale à 2,4%. Alors que pour 2016, l’Institution de Bretton Woods prévoit plus que 2,9 %. Mais, au regard des turbulences du premier trimestre, il est évident que les conditions se s’ont de façon générale, détériorées. »
Des facteurs cyclique et structurel sont à l’origine de ces nombreuses révisions à la baisse. Pour les premiers, la DG de la BM cite le ralentissement économique de la Chine, le surendettement des pays avancés après la crise, la fin du boom des prix des matières premières et l’affaiblissement généralisé de la demande mondiale. En effet, côté structurel, l’économie mondiale fait face à un vieillissement séculaire de la population, excepté en Afrique ou en Asie du sud-est, une productivité moins élevée qui ne s’est pas redressée depuis la crise de 2008. « Je n’attends pas pour autant une récession cette année. Mais le monde va connaître une croissance anémique prolongée. » a-t-elle affirmé. Il ajoute, dans le même ordre d’idées, « malheureusement, les politiques contra-cyclique destinées à combattre ce ralentissement deviennent moins efficientes. Que ce soit les politiques monétaires ou budgétaires. Les marges de manœuvre budgétaires sont limitées compte tenu du niveau élevé de l’endettement public des pays rapporté à leur PIB. » Entretien

  • Question : Dans ce contexte, ne pensez-vous pas qu’il n’y a aucun pilote dans l’avion de l’économie mondiale ? N’y-a-t-il pas un manque flagrant de coopération au sein du G20 ?

La coopération est là. Le problème vient de la divergence des politiques économiques de court terme. Chaque pays du G20 a ses propres problèmes domestiques à traiter. Certains pays mènent des politiques monétaires restrictives pour des raisons internes alors que d’autres font l’inverse. Cela peut sembler incohérent. Il existe néanmoins un certain degré de convergence dans le sens ou chacun des membres du G20 reconnaît l’importance de conduire des réformes structurelles dans leur économie. Certains vont mettre l’accent plus sur l’investissement, d’autres sur la réforme de leur marché du travail et des retraites, d’autres sur l’accroissement de leur commerce. Tout dépend de leur degré de développement économique. Mais, chacun est bien convaincu de la nécessité d’entreprendre des réformes structurelles ambitieuses.

  • Question : Les pays membre de l’OMC, en 2013, se sont accordés pour faciliter leurs échanges commerciaux pour raviver le commerce international. Près de 3 ans après, cet accord n’est toujours pas mis en oeuvre. Quel est le problème ?

Quand l’économie mondiale ralentit, les pays ont tendance à prendre des mesures protectionnistes pour protéger leur marché domestique, ce qui n’est jamais favorable pour les échanges commerciaux. Le commerce est devenu une option politique difficile pour les leaders politiques. Quand ces derniers ont moins confiance en la croissance des pays extérieurs, ils sont moins enclins à favoriser le développement du commerce de leur pays. Pourquoi d’ailleurs libéraliseraient-ils leur commerce si la demande externe est atone. Ils ont donc tendance à se replier et à protéger leur marché domestique. Aujourd’hui, le momentum politique pour mettre en place l’accord de Bali fait défaut. J’ajouterai qu’après la crise, les banques des pays en développement sont en plein processus de réduction de leur effet de levier destiné à renforcer le système bancaire. Ce processus affecte bien évidemment le financement du commerce. Le volume de crédits dédié à la facilitation des échanges commerciaux a reculé significativement depuis le début de la crise. Les banques prennent moins de risques. C’est pourquoi le G20 a mandaté la Banque Mondiale pour établir un rapport sur cette question spécifique.

  • Question : La Banque mondiale a lancé à la COP 21 la « Carbon Pricing Coalition ». Où en est cette initiative ?

Fixer un prix du carbone est essentiel pour faire face au changement climatique. C’est un énorme défi politique car ce prix doit être à la fois équitable selon les pays et incitatif à l’égard des acteurs économiques, particulièrement ceux du secteur privé. C’est le sens de la Carbon Pricing Coalition, à laquelle participent un millier de grandes entreprises à travers le monde. A notre assemblée de printemps, un plan d’action pour le changement climatique va être lancé visant à soutenir les plus de 144 pays qui ont déposé leur contribution nationale, les INDCs. Nous appuierons dans deux domaines, les investissements dans de nouvelles infrastructures liées aux énergies renouvelables, les politiques de mise en œuvre d’un prix du carbone. Nous allons nous focaliser sur la Chine qui, en la matière, est en train d’ouvrir la voie aux pays en développement. Son exemplarité doit être mise en avant.

  • Question : Où en est-on sur la question des 100 milliards de dollars de financement annuels à atteindre ?

Lors de la COP 21, à Paris, on a beaucoup discuté de la méthode et notamment de l’articulation entre fonds publics et fonds privés. Pour la Banque mondiale, la question essentielle concerne sa part de contribution. Nous visons les 28% de notre portefeuille de crédits d’ici 2020. Ainsi, 29 milliards seront potentiellement dédiés à ce plan d’action pour le changement climatique. Il faut saisir le momentum politique particulièrement favorable dans lequel nous nous trouvons. Les Etats-Unis, l’Europe, le Japon, la Chine et l’Inde se sont sur la même ligne par rapport à l’objectif de 100 milliards de dollars.

  • Question :  En  Europe,  la France  défend  l’idée d’un prix  plancher  pour le  carbone.                    Qu’en pensez-vous ?

Je pense que le plus important, pour la France comme pour la plupart des autres pays, est d’émettre un premier signal en définissant un prix du carbone relativement peu élevé. C’est essentiel pour que la confiance s’instaure entre les gouvernements et les milieux économiques, pour que les entreprises se familiarisent avec un tel dispositif. Ce n’est qu’une fois l’acceptabilité du prix du carbone acquise que l’on peut bâtir ensuite autour de lui une vraie politique incitative avec des mécanismes de marchés qui ne perturbent pas les échanges, mais au contraire les favorisent. C’est tout l’enjeu de la COP 22 que va accueillir le Maroc.

  • Question : L’Union Européenne fait face à un afflux massif de réfugiés, principalement du Moyen Orient. Comment, selon vous, faut il gérer cette crise ?

D’un point de vue du développement, nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur les pays d’accueils des réfugiés. Nous devons traiter le problème à la source, sinon la tendance se poursuivra. Entre 2013 et 2014, plus de 8,3 millions de personnes se sont déplacées, que ce soit pour des raisons d’opportunités économiques, de conflits sociaux ou de guerres. Il existe aujourd’hui un sentiment de plus en plus fort du côté des institutions internationales, comme les Nations Unies ou la Banque Mondiale, qu’il est vital de coupler l’aide humanitaires avec le développement économique. Se préoccuper des réfugiés en leur donnant des abris, de l’eau, de la nourriture ne suffit pas. Même s’il est important de le faire. Selon une étude que nous avons faite à la Banque Mondiale, les réfugiés peuvent rester, dans certains cas, au tour d’une décennie d’années dans un pays d’accueil. Cela nécessite donc une réponse politique différente où nous devons nous préoccuper de construire des systèmes de santé, des écoles et même des zones économiques spéciales pour ces réfugiés. C’est ce que la Banque Mondiale, avec les Nations Unies, l’Union européenne, essaye actuellement de mettre en place au Liban et en Jordanie. Dans ses deux pays, la part des réfugiés atteint respectivement au tour d’un tiers et un cinquième respectivement de la population totale. Il est vital de créer des emplois en facilitant, par exemple, la venue d’entreprises dans ces zones.

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