Le chef d’état-major algérien : « Bouteflika est dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions »
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Le très puissant vice-ministre de la Défense nationale, chef d’état-major de l’armée algérienne, Ahmed Gaïd Salah, a demandé mardi que soit engagée la procédure prévue par l’article 102 de la Constitution, quand le président de la République « pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions ».
Affaibli depuis 2013 par les séquelles d’un AVC, le président Abdelaziz Bouteflika est confronté depuis plus d’un mois à une contestation sans précédent depuis son arrivée à la tête de l’Etat en 1999. La solution permettant « une sortie de crise (…) se trouve dans l’article 102 » de la Constitution, a déclaré le vieux général dans un discours retransmis à la télévision nationale.
Il a ainsi suggéré, ce mardi 26 mars, l’application de l’article 102 de la Constitution, prévoyant l’état d’empêchement du président de la République. « Il faut adopter une solution qui garantit la satisfaction de toutes les revendications légitimes du peuple algérien et qui garantit le respect des dispositions de la Constitution et la continuité de la souveraineté de l’État, une solution de nature à être acceptée de tous. C’est une solution prévue par la constitution dans son article 102 », a-t-il déclaré dans une allocution prononcée lors de sa visite dans la 4e région militaire (Ouargla).
Selon la Constitution algérienne, c’est le Conseil Constitutionnel qui est habilité à déclencher la procédure de destitution du chef de l’État en appliquant l’Article 102.
Ce n’est pas la première fois que le recours à l’Article 102 de la Constitution sur l’empêchement du Président est cité par les responsables et politiques algériens que le très célèbre site d’information tsa-algerie.com, considère comme « un texte piégé »
Ainsi, le débat sur la vacance du pouvoir a été réclamé, la semaine dernière, par Ali Benflis, ancien ministre de la Justice, chef du gouvernement de 2000 à 2003 et candidat aux élections présidentielles de 2004 et 2014 au nom du parti Talaie El Houriat qu’il a créé en 2015, avait estimé que le « centre du pouvoir s’est déplacé ».
Que dit ce texte ?
« Selon l’article 102, c’est le Conseil constitutionnel qui doit constater par tous les moyens, notamment médical, la vacance (du pouvoir) », explique à TSA Fatiha Benabou, constitutionnaliste algérienne. Le Conseil constitutionnel doit prendre l’initiative. Selon elle, personne ne peut saisir le Conseil constitutionnel pour que celui-ci constate l’état d’empêchement du Président de la République.
« C’est au Conseil constitutionnel de s’auto-saisir automatiquement. En fait, il doit absolument se saisir dès que le problème se pose dans la société et dès que des rumeurs commencent à circuler. Il se réunit de plein droit pour constater ou pas l’état d’empêchement », affirme la juriste. Dans le cas de la confirmation du constat, le Conseil constitutionnel propose au Parlement de déclarer l’état d’empêchement.
« Le Parlement siégeant en chambres réunies déclare l’état d’empêchement du Président de la République, à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres », stipule l’article 102. L’intérim du chef d’État est alors confié au président du Conseil de la Nation pour une durée de 45 jours.
Un texte piégé
Sauf que l’article 102 exige un « consensus politique », selon elle. « Le texte dit que la décision de la constatation doit être prise par le Conseil constitutionnel à l’unanimité des membres. Si un seul membre du Conseil constitutionnel refuse de constater, la procédure s’arrête », développe-t-elle.
« En droit, nous ne connaissons pas l’unanimité ou le consensus politique. C’est pour cela que je dis que le texte est piégé par le consensus politique. Il s’agit d’une disposition verrouillée par un consensus politique des membres » du Conseil constitutionnel, explique la juriste.
C’est ce consensus justement qui rend la mise en œuvre de cet article « très difficile ». « C’est très difficile de la mettre en pratique sachant que trois membres sont nommés par le Président parmi ses amis politiques. Ils ne sont pas juristes mais ce sont des hommes en qui il a confiance », précise-t-elle.
Art. 102.1