Antenne relais : La justice et l’ANRT maintiennent le flou

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Les habitants d’un quartier de Hay Moulay Rachid à Casablanca, ont gagné un faux procès contre une antenne relais. Ils viennent d’obtenir gain de cause contre Maroc Telecom. L’opérateur historique a été condamnée par la Cour d’appel de commerce à retirer une antenne relais installée sur un bâtiments à proximité du quartier Massira 2. Une affaire qui relance un faux débat suscité opportunément par des fakesnews et qu’on croyait enterrée depuis la fameuse recommandation de l’OMS n°304 de mai 2006, – http://www.who.int/peh-emf/publications/facts/fs304/fr/ – retenue par les autorités marocaines et entérinée par la justice.

Un arrêt bizarroïde de la Cour d’appel de commerce a été prononcé le 17 juillet 2018, confirmant une décision rendue en première instance le 15 janvier dernier. IAM devra démanteler immédiatement les équipements installés sous peine de 2.500 DH d’astreinte pour chaque jour de retard. De son côté, l’opérateur historique sera contraint d’exécuter le jugement et se faire pourvoir en Cassation pour faire rejuger l’affaire.

A l’origine de ce procès, une plainte déposée en mars 2017 par un groupe de résidents, soi-disant affectés par un supposé impact de l’installation de l’antenne sur leur santé. Ils avaient fait notamment valoir « la prolifération de maladies respiratoires » du fait des ondes électromagnétiques émises par l’antenne. En ce sens, leur avocat avait invoqué, retenez-vous bien, « un préjudice éventuel » sur la santé à la fois « mentale et physique » des riverains.

Par un jugement avant-dire droit en date du 18 septembre 2017, le tribunal avait ordonné une expertise technique afin de constater la véracité de l’installation. Une fois sur les lieux, l’expert constate la présence de deux antennes relais, selon les dires de l’avocat des plaignants à la presse que «la densité de la population » et « leur entassement » dans le quartier populaire Moulay Rachid. Un argumentaire basic qui été malheureusement retenus comme facteurs aggravants dans le rapport de l’expert, qui a conclu à un « dommage certain » sur les habitants, ajoute l’avocat.

Devant le tribunal de première instance, ces conclusions seront contestées par l’opérateur historique, qui a « mis en doute les aptitudes de l’expert », arguant à juste titre d’ailleurs « que ce type de questions relève de la seule compétence du régulateur », l’ANRT en l’occurence. A ce titre, IAM demandera une « contre-expertise » et la convocation du régulateur qui selon la législation est seul compétent à gérer le réseau des relais. Une demande qui a été rejetée par la Cour.

Risque éventuel sur la santé

De même, «la partie requérante n’a pas prouvé que les ondes émises par l’antenne sont responsables d’un dommage quelconque sur leur santé », a renchérit l’opérateur historique. A ce dernier argument, la réponse du tribunal sera floue : D’abord, «ne pas établir le dommage réel et palpable sur les requérants n’empêche en rien de statuer sur leur demande ». Ensuite, « toute activité susceptible de provoquer un préjudice grave sur la santé de l’Homme nécessite que l’on y mette un terme à n’importe quel moment, dès lors que l’on en a identifié la cause ».

Il importe donc peu que le dommage soit «futur ou éventuel». Et il n’est pas non plus nécessaire «d’apporter la preuve irréfutable de l’existence d’une corrélation entre l’activité concernée et les dommages éventuels qui pourraient en résulter à l’avenir».

Le tribunal de première instance invoque à cet égard  «l’état de psychose» qui a affecté les plaignants après la fixation des antennes près de leurs habitations, conjugué à une prétendue et imaginaire «incertitude scientifique» autour de l’innocuité de ces antennes sur la santé. Une situation qui a impacté le «confort psychologique» et «la sérénité» des habitants. Ce qui constitue tout bonnement «un préjudice qui dépasse la limite habituelle», indique le jugement. Par conséquent, la condamnation de Maroc Telecom à retirer son matériel a été confirmée par la Cour d’appel de commerce.

Deux remarques peuvent être soulevées par cette sentence : La cour d’appel de commerce est-elle compétente en la matière ? Rien n’indique dans cette affaire que la Cour d’appel de commerce soit la juridiction idoine pour statuer dans cette affaire. Les deux antagonistes ne sont pas liés par un acte de commerce. Les affaires de voisinages et les menaces que peut porter une activité industrielle ou commerciale sur la santé publique relèvent de la compétence générale des juridictions civiles.

Deuxio, la question de la nocivité des antennes relais a été tranchée et depuis belles lurettes par l’OMS et adoptée par le Maroc. A ce propos, une étude de l’OMS avait conclu au constat suivant : « Les niveaux d’exposition aux RF des stations de base et des réseaux sans fil sont si bas que l’augmentation de la température est insignifiante et n’a aucun effet sur la santé humaine. » A cpropos l’Oms ajoute : « En fait, en raison des faibles fréquences et des niveaux d’exposition similaires aux RF, l’organisme absorbe cinq fois plus de signaux de la FM et de la télévision que des stations de base. C’est parce que les fréquences de la radio FM (autour de 100 MHz) et de la télévision (de 300 à 400 MHz environ) sont plus basses que celles de la téléphonie mobile (900 MHz et 1800 MHz) et parce que la taille de l’être humain en fait une antenne efficace de réception. Par ailleurs, les stations de diffusion de la radio et de la télévision fonctionnent depuis au moins 50 ans sans qu’on ait constaté d’effets indésirables sur la santé. Si la plupart des technologies de la radio utilisent des signaux analogiques, les télécommunications modernes sans fil font appel aux transmissions numériques. Les études approfondies faites jusqu’ici n’ont pas établi de dangers spécifiques pour les différentes modulations de RF. »

A propos des allégations relatives aux cancer, l’organisation onusienne ajoute que « des informations rapportées par les médias ou invérifiables sur des groupes de cas de cancer à proximité des stations de base des téléphones mobiles ont suscité de vives inquiétudes dans le public. Il faut remarquer que, dans toute population, les cancers ont une répartition géographique irrégulière. Compte tenu de l’omniprésence des stations de base dans l’environnement, on peut s’attendre à ce que, par le simple fait du hasard, des groupes de cas puissent se produire à leur proximité. En outre, les cancers signalés dans ces groupes de cas sont souvent de différents types, sans caractéristiques communes et donc, avec peu de probabilité d’avoir une cause commune. »

Au cours des 20 dernières années, l’OMS a publié des études examinant le lien potentiel entre les transmetteurs RF et le cancer. L’OMS confirme que ces études « n’ont pas apporté de preuves étayant une augmentation du risque de cancer du fait de l’exposition aux RF des transmetteurs. De même, les études à long terme sur l’animal n’ont pas mis en évidence de risque accru de cancer par l’exposition à des champs RF, même à des niveaux bien plus élevés que ceux produits par les stations de base et les réseaux sans fil. »

Au Maroc et l’ANRT maintient le flou à ce propos.  «Dans ce cadre, les études menées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont montré qu’il n’y a pas d’effets avérés sur la santé à cause des émissions électromagnétiques provenant des stations et antennes relais. Ces études insistent sur un principe important qui est celui de la « précaution», insiste l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT).

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