Carlos Ghosn dans les méandres du système judiciaire japonais

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Carlos Ghosn "a pendant de nombreuses années déclaré des revenus inférieurs au montant réel", a déclaré Nissan / AFP/Archives

Carlos Ghosn, arrêté lundi au Japon à la descente de son jet privé pour des malversations financières présumées, séjourne maintenant dans un centre de détention de Tokyo. Qu’est-ce qui l’attend dans les prochains jours ?

Point sur un système judiciaire japonais complexe et parfois décrié par les organisations des droits de l’homme.

Selon des images tournées par le quotidien Asahi Shimbun, des agents du bureau du procureur de Tokyo se sont précipités lundi dans son jet privé, prenant de court le dirigeant de 64 ans à peine arrivé sur le tarmac de l’aéroport de Haneda.

On voit alors les rideaux des hublots se refermer, puis la scène est coupée. On n’aperçoit pas Carlos Ghosn en descendre, mais d’après les informations dont on dispose, il a ensuite été présenté au procureur et placé en garde à vue.

Cette sommité du monde des affaires est depuis détenue dans le centre de Katsushika, dans le nord de la capitale, sous la surveillance d’officiers du ministère de la Justice. « En principe, il est tout seul dans la cellule », souligne Ayano Kanezuka, avocate du barreau de Tokyo.

« Il y a tout ce qu’il faut, du chauffage, un lit, mais les conditions sont très spartiates », loin de son train de vie habituel, poursuit son confrère Lionel Vincent, mentionnant aussi la présence d’une cour intérieure entourée de grillages.

L’ambassadeur de France au Japon a pu rendre visite mardi au PDG de Renault « au titre de la protection consulaire », mais aucun détail n’a été fourni sur son état.

Les visites et les coups de fils, même de la famille, sont « extrêmement limités au début de la procédure », voire non autorisés, afin de « protéger les investigations en cours », selon Me Vincent.

Le suspect peut rencontrer ses avocats mais, particularité du système japonais, ceux-ci ne peuvent pas assister aux auditions, précise-t-il.

Dans les 48 heures après son arrestation, le parquet japonais peut décider, dans de rares cas, de l’inculper, de le libérer sans charge si les preuves n’ont pu être apportées ou de demander au juge une prolongation de la période de garde à vue.

C’est ce qui s’est passé mercredi dans le cas de M. Ghosn, qui restera en détention au moins dix jours de plus, soit jusqu’au 30 novembre. A cette date, la période pourrait être encore étendue de 10 jours, une procédure courante.

A l’issue de ce laps de temps, le suspect peut alors faire l’objet de poursuites ou non. Il peut en outre être arrêté pour un nouveau chef d’accusation, et le processus peut redémarrer.

Carlos Ghosn est pour l’instant entendu pour avoir dissimulé une importante partie de ses revenus aux autorités, mais selon Nissan il est aussi soupçonné d’abus de biens sociaux.

« Le procureur peut très bien considérer qu’il faut relancer un nouveau mandat d’arrêt sur les accusations d’abus de biens sociaux. Sa garde à vue pourrait alors durer 44 jours », jusqu’à fin décembre environ, précise Lionel Vincent.

« Ses avocats vont se démener pour le faire sortir sous caution », ajoute-t-il, mais c’est plus compliqué pour les non-Japonais du fait des risques de fuite. « La pression pourrait devenir diplomatique », estime l’avocat. « L’Etat (français) est actionnaire à 15% dans Renault, l’Elysée va s’émouvoir de cette procédure ».

« Pour ne pas avoir déclaré l’intégrité de ses revenus, il est passible de 10 millions de yens (près de 78.000 euros) d’amende et 10 ans de prison, mais c’est très souvent au maximum des peines de sursis », selon l’avocat.

Peut-il sortir blanchi ? Au Japon, 99% des personnes renvoyées devant le tribunal sont jugées coupables, un taux qui atteste selon les organisations de défense des droits humains d’une tendance trop forte des tribunaux à suivre l’avis du parquet.

Il est difficile de le savoir mais cela pourrait prendre du temps avant une première comparution au tribunal de M. Ghosn s’il est inculpé, et des années avant que le feuilleton ne se referme avec une décision éventuelle de la Cour suprême en cas d’appels successifs.

S’agissant par exemple des trois anciens dirigeants d’Olympus impliqués dans un retentissant scandale de maquillage de pertes, la première décision judiciaire était tombée 17 mois après leur arrestation survenue en février 2012, et le dossier n’a été définitivement bouclé qu’en juin dernier.

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