Comment faire de Casablanca une place d’arbitrage?

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La 2e édition des «Casablanca Arbitration Days 2015», tenue les 11 et 12 décembre cachait un projet ambitieux des plus ambitieux : Comment faire de Casablanca une place d’arbitrage? UN projet légitime pour les Africains. Saïd Ibrahimi, PDG de Casa Finance City Authority  (CFCA) en est très conscient. L’une des chevilles ouvrières de l’événement, Hicham Zegrary, directeur des opérations et des affaires institutionnelles, annonce la couleur: «Nous recommandons aux investisseurs (détenteurs du statut CFC) d’intégrer une clause désignant Casablanca International Mediation and Arbitration Centre (CIMAC) comme lieu de règlement des litiges contractuels». Quitte à faire sursauter les chasseurs de monopole qui ne jurent que par la concurrence, la compétence et la moralité des arbitres. Il ne suffit pas d’avoir une loi et des juges  avec les modes alternatifs de règlements des contentieux.

L’un des maîtres de la cérémonie, l’Américain David Rivkin, est un futuriste déclaré. Le président de la puissante International Bar Association – 6.000 avocats de 135 pays – épice son speech par l’accord arraché à la COP21 sur le climat à Paris: «Une nouvelle génération de contrats se profile. Les conventions sécurisant les investissements vont continuer à se développer. Le Maroc et l’Afrique ont de quoi se positionner». L’avocat de renommée internationale «insiste sur les infrastructures et la compatibilité avec les attentes du XX Ie siècle». Son prédécesseur, Abdelaziz El Omari, ministre des Relations avec le Parlement et maire de Casablanca, donne un gage politique. «Le gouvernement et le conseil de la ville soutiennent le pôle financier de Casablanca (aux ambitions continentales)». Il assure qu’il est «nécessaire qu’un centre d’arbitrage existe dans la métropole». Pas un mot sur la précarisation de la qualité de vie (circulation, propreté, jardins…) qui fâche les Casablancais avec leur ville.

Le Pr. Mohamed El Mernissi dénombre «les tares congénitales» de la loi 08-05 relative à l’arbitrage. Sa refonte est l’un des préalables. Ayant un palmarès qui fait saliver les jeunes prétendants, le président de la Cour marocaine d’arbitrage appelle «à mettre fin à la mainmise du parquet sur la procédure d’arbitrage». Le ministère public se charge ainsi de dresser une liste (non exhaustive) des arbitres d’un arrondissement judiciaire.  Quant aux établissements publics, ils peuvent recourir à l’arbitrage à condition d’un accord préalable de leur conseil d’administration. «Il faut soit une autorisation annuelle ou une validation a posteriori des contrats signés», propose le Pr. El Mernissi.

Fraîchement nommé à la direction des affaires civiles au ministère de la Justice et des Libertés, El Hassan El Guassem «n’est pas officiellement au courant d’un projet de réforme de la loi sur l’arbitrage». Ses déclarations n’engagent que lui: «Je suis pour un code de l’arbitrage distinct du code de procédure civile. Il doit être clair et simple d’accès (pour ses usagers)», selon le magistrat. Tout en suggérant notamment de restructurer les chapitres. Ayant travaillé le projet de loi initial, Me Azzedine Kettani confie un mauvais épisode au public: «Il était question d’un code d’arbitrage. Mais nous étions surpris (commission scientifique) que la loi 08-05 intègre finalement le code de procédure civile».

Quel que soit le résultat final, Jalal El Ahdab, docteur en droit et praticien chevronné, rappelle qu’il faut légiférer vite et bien. «L’exécution d’une sentence arbitrale ne doit pas être suspendue par un recours en annulation (devant le tribunal de commerce)». Le litige opposant Ynna Holding à Fives FCB est d’actualité. Le jeune juriste libanais insiste: «Il ne faut pas trop s’attarder. Abu Dhabi a mis dix ans pour légiférer». Les principes de Londres ou le récent livrable de l’Association suisse d’arbitrage peuvent inspirer pour attirer du monde: destination facile d’accès, stabilité politique, neutralité du siège… Communiquons efficacement là-dessus sans faire de propagande. Julien Baudigeaut, de UGGC Avocats, cite les  pays africains (17) et leur droit des affaires harmonisé (OHADA). Un corpus «très réconfortant et très proche du droit marocain et français». Ils s’abreuvent tous d’une tradition juridique continentale. Il y a un «compromis» culturel et juridique qui «paramètre en grande partie les conventions d’investissement», estime le juriste. Une place d’arbitrage coûteuse et hautaine ne servira pas l’Afrique. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à faire deux heures de vol vers le nord.

Fusionner les Bourses

«Le Maroc a ratifié plus de 40 conventions en matière d’arbitrage comme celle de New York», déclare le 1er président de la Cour de cassation, Mustapha Fares. Nous avons un ADN social en la matière: Jamaâ (dans la tribu), Al Amine (pour les artisans)… Le magistrat cite une jurisprudence de 1979, soit avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’arbitrage: «Primauté des conventions internationales d’arbitrage». Le droit ne règle pas tout. Le DG de la Bourse de Casablanca, Amine Hajji, annonce un chiffre étourdissant en termes d’investissement: L’Afrique a besoin de 100 milliards de dollars par an!

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