Endetté, contesté, Lagardère cherche l’issue à l’approche d’un rendez-vous crucial

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A l’approche d’une assemblée générale cruciale, le moment est inédit pour Arnaud Lagardère: réputé indétrônable, l’héritier doit lutter contre la fronde actionnariale menée par le fonds britannique Amber et garder le contrôle vis-à-vis de concurrents entrés à cette occasion dans son capital.

Devenu premier actionnaire de l’ex-empire industriel et médiatique désormais recentré sur l’édition (Hachette) et la distribution dans les gares et aéroports (Relay), Amber Capital ne cesse de dénoncer les choix stratégiques d’Arnaud Lagardère et sa gestion du groupe.

Revendiquant 18% du capital, le fonds réclame le renouvellement de la quasi-totalité des membres du conseil de surveillance et vise le non-renouvellement du mandat de gérant de M. Lagardère, qui arrive à échéance en mars 2021.

Amber remet également en cause le statut atypique du groupe en commandite par actions (SCA), un bouclier qui permet à l’associé-commandité de se maintenir au pouvoir avec seulement 7,3% des parts.

Pour faire échouer ce projet, Arnaud Lagardère – qui ne pourra lui-même voter contre les résolutions concernant le conseil de surveillance lors de l’assemblée générale de son groupe mardi prochain – doit absolument s’assurer du soutien du fonds souverain du Qatar (13% du capital mais 20% des droits de vote).

De source proche, il peut compter sur la médiation de Nicolas Sarkozy, un ami de longue date, proche de la monarchie du Golfe et coopté récemment au conseil de surveillance.

Il devra également composer avec l’homme fort de Vivendi Vincent Bolloré. Le géant français des médias a acquis très récemment plus de 10% des parts de Lagardère sur le marché, disant vouloir réaliser « un placement financier à long terme ».

Le financier Marc Ladreit de Lacharrière, autre figure du capitalisme français, vient également d’entrer au capital, selon l’un de ses proches, restant toutefois en deçà de 5% du capital.

D’après des sources proches du dossier, ces deux patrons sont peu enclins à laisser un fonds étranger prendre le contrôle d’une entreprise encore stratégique. Lagardère détient notamment les médias Europe 1, le JDD et Paris Match.

Mais leur arrivée suscite également des questions sur leurs intentions à long terme, concernant certains actifs du groupe (comme les maisons du groupe Hachette ou les salles de spectacle) ou leur soutien à Arnaud Lagardère.

Ces grandes manoeuvres ont pour le moment surtout revigoré le titre en Bourse, déprimé par l’épidémie de Covid-19 qui pèsera lourdement sur ses résultats cette année.

S’il l’emporte contre Amber, Arnaud Lagardère ne sera pas encore sorti d’affaire. Ses dettes s’élèvent au moins à 164 millions d’euros et sa participation dans le groupe est nantie auprès des banques. Malgré une injonction de la justice, Arnaud Lagardère se refuse à publier les comptes de ses holdings, qui pourraient révéler le montant d’autres lignes de crédit.

Dans le contexte de la crise sanitaire, il a dû renoncer au dividende, d’ordinaire généreux, et réduire temporairement sa rémunération de 20%.

« Il est au bout de la route. Il est dans les mains des banques, et surtout du Crédit Agricole qui tient les clés de la commandite », explique à l’AFP une source bien informée.

Au sein du groupe, « le sentiment profond de l’immense majorité du personnel et des cadres est qu’il faut un changement de direction et de gouvernance », croit savoir Yves Sabouret, ex-dirigeant d’Hachette, qui fut proche collaborateur du fondateur du groupe Jean-Luc Lagardère. Le père d’Arnaud Lagardère est décédé en 2003.

« Ou bien il se lance dans les affrontements judiciaires, ce qui a un petit peu commencé mais cela prendra des années, ou bien il cherche un compromis entre les différentes parties prenantes et chacun limitera ses pertes », explique M. Sabouret à l’AFP.

Selon plusieurs médias, des négociations tentent de définir un prix pour qu’il renonce à la commandite, estimé à 10% des parts de la société, ou 200 millions d’euros.

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