Les notions de régulation, d’intervention publique retrouvent un lustre inattendu. Face à la perspective du ralentissement économique mondial, montent de partout des appels à l’Etat protecteur, à l’Etat stratège industriel, à l’Etat investisseur. « Je bénis le temps où la droite mondiale est enfin capable d’accepter l’idée que les sociaux-démocrates ont eu raison depuis plus de cinquante ans, en demandant une régulation européenne et mondiale de l’économie de marché », déclare ironiquement Michel Rocard au Nouvel Observateur. Et c’est vrai, ce sont les recettes anti-crises de Gordon Brown qui s’imposent, plutôt que celles d’une administration républicaine en fin de course, en fin de cycle idéologique. La victoire du candidat démocrate aux présidentielles américaines ne démontre-t-elle pas que le balancier idéologique penche désormais vers la gauche, dans le pays qui donne encore le ton ? Le premier symptôme en Europe, c’est le come-back spectaculaire de l’ennuyeux Gordon Brown – qu’on donnait pourtant écrasé par les conservateurs encore l’été dernier…Un boulevard s’ouvre, dit-on, devant les partis sociaux-démocrates européens, qu’on décrivait pourtant hier encore comme incapables de relever les défis de la mondialisation, de répondre à l’individualisation des demandes sociales et au besoin de sécurité émanant des classes populaires. Mais suffirait-il d’en revenir aux bonnes vieilles recettes des années 50 et 60 ? Après tout, l’encadrement des prix et du crédit, les nationalisations et la politique industrielle, bref l’économie administrée et protégée a, elle aussi, montré ses limites lors de la crise des années 70… A quelles conditions, les gauches européennes peuvent-elles renouer avec la victoire, avec l’élan de la décennie « vague rose », entre 1996 et 2006 ?