Fonds Wessal : Contribution émiratie de 750 millions d’euros pour des projets touristiques au Maroc
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La contribution de l’Etat des Emirats Arabes Unis au Fonds Wessal pour le développement du secteur touristique marocain s’élève à près de 750 millions d’euros, a souligné le ministre du Tourisme, M. Lahcen Haddad.
Dans un entretien publié dimanche par le journal émirati »Al Ittihad », M. Haddad a indiqué que le Fonds Wessal , créé en 2011 dans le cadre d’un partenariat entre le Maroc, les Emirats Arabes Unis, le Koweït, le Qatar et l’Arabie Saoudite et doté d’un capital global de près de 2,5 milliards d’euros, a pu, au cours des dernières années, lancer trois grands projets touristiques d’une valeur de plus de 1,5 milliard d’euros dans les villes de Casablanca, Rabat et Tanger, rapporte l’agence MAP.
Mettant en avant l’importance des investissements émiratis dans le secteur touristique marocain, le ministre a affirmé que les Emirats Arabes Unis sont désormais un des acteurs principaux des marchés touristiques régionaux et internationaux.
Pour comprendre l’enjeu de cet investissement, il faut revenir à grand dessein royal pour la ville de Rabat.
Ville verte contre ville blanche ? Capitale politique contre épicentre économique ?
Le duel qui oppose Rabat l’introvertie à Casablanca, cocotte-minute où se sont agrégées les galeries d’art marocain, n’est pas sans rappeler le partage des rôles dans les émirats entre Abou Dhabi, qui doit accueillir les antennes du Louvre et du Guggenheim, et Dubaï, plate-forme libérale du marché de l’art.
Pour prendre la main sur le terrain culturel, la capitale du royaume chérifien a mis les bouchées doubles. En 2008, elle s’est dotée d’un nouveau bâtiment pour sa grande bibliothèque, prenant modèle sur la BNF à Paris. L’an dernier elle a inauguré le musée d’art moderne et contemporain Mohammed VI.
L’enjeu se situe désormais dans la vallée du Bouregreg où a commencé le chantier d’un grand complexe urbanistique et culturel mené par le fonds Wessal Capital. Fruit d’un montage inédit, cette entité lancée en 2010 pour doper le tourisme intérieur regroupe cinq fonds souverains marocains, émirati, qatari, koweitien et saoudien. 900 millions d’euros sur les 2,5 milliards déjà levés seront dédiés à la mise en place d’un complexe de 120 hectares de résidences, hôtels et équipements culturels le long du fleuve Bouregreg.
La composante culturelle s’articule autour de quatre établissements dont l’ouverture est prévue en 2018 : un grand théâtre de 1 900 places dessiné par l’architecte Zaha Hadid, un musée de l’archéologie et des sciences de la terre, qui devrait absorber l’institution archéologique déjà existante à Rabat, un musée des archives et enfin une maison de la culture, dédiée notamment au développement des pratiques amateurs. Si pour l’heure seul le nom de l’architecte du théâtre a été dévoilé, les autres équipements devraient aussi être griffés par des poids lourds de l’architecture.
Ce projet ambitieux n’est pas seulement bien doté. Il est surtout bien porté par Tarik Senhaji, ancien directeur général de Natexis à Londres. Ce brillant polytechnicien, qui est rentré au Maroc en 2010 après avoir fait ses armes à l’étranger, est la parfaite incarnation d’un Maroc moderne. Pour lui, il faut doper le tourisme mais aussi endiguer la fuite des talents :
« On souhaiterait que les jeunes artistes marocains aient plus envie de se produire au grand théâtre de Rabat qu’à Dubaï »
Echaudés par des décennies de déshérence en matière culturelle, les acteurs locaux manifestent pour l’heure un enthousiasme mesuré. « J’espère que cela ne deviendra pas une copie de l’île de Saadiyat à Abou Dhabi [siège des futurs musées], un complexe luxueux coupé du monde et des classes populaires, lance un observateur. C’est formidable de mettre en place des équipements de haut niveau, mais encore faut-il qu’ils soient adaptés à la population. »
D’autres points sont en suspens. Quel sera le programme scientifique de ces institutions ? Disposeront-elles d’un budget suffisant pour fonctionner au-delà de l’ouverture, alors même que la Fondation nationale des musées jouit d’une maigre dotation d’environ 6,7 millions d’euros pour gérer quatorze établissements ? « L’Etat mettra les moyens et les verrous nécessaires pour que ces lieux soient bien gérés », assure Tarik Senhaji.
Ce volontarisme ne peut toutefois faire l’économie d’un vrai programme éducatif. Or en la matière le flou est total. Comment seront formés les cadres de ces futurs équipements ? Quelles politiques seront mises en œuvre à l’attention des publics ? Quid du recollement, encore balbutiant, des objets archéologiques et des archives ? Autant de questions auxquelles le ministre marocain de la culture, Mohammed Amine Sbire, maintes fois sollicité, a refusé de répondre…