France: Jusqu’à neuf ans de prison requis au procès hors-norme du blanchiment de l’argent du cannabis
4 min read
Jusqu’à neuf ans de prison ont été requis mercredi à Paris au procès d’une affaire de blanchiment à grande échelle de l’argent du trafic de cannabis via les comptes de fraudeurs fiscaux français cachés en Suisse.
Cette affaire, baptisée « Virus », présente le « visage de la criminalité organisée moderne », a souligné la procureure devant le tribunal correctionnel de Paris, où 40 personnes sont jugées depuis le 17 septembre pour leur implication, à des degrés divers, dans ce vaste réseau franco-suisse de blanchiment.
Les blanchisseurs, des « professionnels de la finance », ont recyclé des centaines de millions d’euros de l’argent du cannabis grâce à un « système séculaire, extrêmement rapide, laissant peu de traces, et qui permet encore aujourd’hui l’évacuation de l’argent du proxénétisme ou de la cocaïne », a-t-elle relevé.
Ce réseau de trafiquants présumés, collecteurs d’espèces, financiers suisses et exilés fiscaux avait été démantelé à l’automne 2012. Tout avait commencé quelques mois plus tôt par une enquête classique sur un trafic de cannabis entre le Maroc et la région parisienne.
L’importateur principal a été identifié comme étant Rachid Mimoun, un Franco-Algérien de 45 ans qui naviguait entre le Maroc et l’Algérie. La plus lourde peine d’emprisonnement, neuf ans, assortie de 50.000 euros d’amende, a été requise à l’encontre de ce « trafiquant d’envergure », qui a reconnu l’importation de deux tonnes de résine de cannabis.
La marchandise était réceptionnée et revendue par ses relais en Ile-de-France. Puis, dans une même journée, un sac plastique bourré d’espèces passait des mains d’un trafiquant à un collecteur, puis dans celle d’un autre collecteur. Dans des quartiers cossus de Paris, il remettait à des exilés fiscaux souhaitant rapatrier leur argent caché en Suisse, clients de son frère financier, « les millions d’euros immaculés du cannabis ».
Depuis Genève et la société de gestion de patrimoine dirigée par Meyer El Maleh, une officine spécialisée dans la fraude fiscale, les avoirs des fraudeurs fiscaux étaient débités, et l’argent était re-ventilé, via des sociétés-écrans, vers les trafiquants marocains.
Douze millions d’euros auraient été ainsi blanchis entre 2010 et 2012 grâce au réseau de la famille El Maleh, dont cinq membres sont poursuivis dans ce dossier.
Cinq ans de prison et une amende d’un million d’euros ont notamment été requis à l’encontre de Meyer El Maleh pour blanchiment de fraude fiscale en bande organisé et de Simon Perez, soupçonné d’être à l’origine de ce système « complexe » de blanchiment.
En octobre 2012, le site du quotidien « Le Monde » avait rapporté qu’entre le trafic de cannabis et le blanchiment de l’argent sale, il y avait sept « cols blancs » parisiens, nantis de comptes dans une banque en Suisse et qui pensaient avoir trouvé une martingale pour échapper au fisc. L’opération Virus, lancée en France et en Suisse, a permis de mettre un terme à cette entreprise criminelle jointe à une vaste escroquerie fiscale, et de démanteler le réseau qui était à sa tête.
Parmi les présumés fraudeurs figurait une élue : Florence Lamblin, maire adjointe du 13e arrondissement de Paris, membre d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Elle a été mise en examen en octobre 2012 « pour blanchiment en bande organisée »et placée sous contrôle judiciaire. Son avocat, Me Jérôme Boursican, avait assuré que sa cliente n’était en rien mêlée au trafic de stupéfiants. Selon lui, elle ne connaissait pas les intermédiaires qui lui avaient remis la somme de 350 000 euros en liquide qu’ils avaient ensuite décaissée d’un compte qu’elle détenait à la HSBC de Genève à la suite d’un héritage.
L’élue plaide qu’elle ne savait pas que l’argent provenait de la vente de stupéfiants. Elle serait, selon son conseil, « tout juste passible de fraude fiscale ». Par qui et comment a-t-elle noué ses relations avec les fameux intermédiaires dont le caractère au minimum délictuel de l’activité pouvait difficilement être ignorée ? Selon une source proche de l’enquête, ni elle ni les autres personnes mises en cause ne l’ont expliqué pendant leur garde à vue.
Seize autres personnes sont visées dans cette affaire, parmi lesquelles un chef d’entreprise et un avocat ; six ont été placées en détention provisoire pour « trafic de stupéfiants ». Deux autres personnes sont poursuivies par la justice helvétique qui les a incarcérées.
Le jugement est attendu le 19 octobre.