Israël : Benjamin Netanyahu, le « roi Bibi » qui a perdu sa couronne

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Premier ministre le plus pérenne de l’histoire d’Israël qu’il a marquée par son style pugnace, Benjamin Netanyahu a joué à fond la carte de la « défense » du pays, mais a aussi centré le pouvoir autour de sa personne, jusqu’à sa chute.

Après plus de 12 ans de suite au pouvoir et d’intenses manoeuvres en coulisses pour se maintenir à la tête du gouvernement, Benjamin Netanyahu a quitté ses fonctions dimanche après un vote de confiance au Parlement sur la nouvelle « coalition du changement ».

Le dirigeant de 71 ans est devenu en quelques heures chef de l’opposition, sans prises directes sur la destinée du pays qu’il a gouverné pendant plus d’une décennie, laissant un pays plus que jamais polarisé. Ses opposants voient en lui un « Crime minister » et non un « Prime minister », allusion à ses démêlés avec la justice qui le poursuit pour corruption, malversation et abus de confiance dans une série d’affaires.

Ses admirateurs voient, eux, en « Bibi » l’incarnation du nouveau « Roi d’Israël » pour sa défense arc-boutée du pays face à l’Iran et à son programme nucléaire controversé, perçu comme le nouvel « Amalek », l’ennemi mortel des Hébreux dans la Bible.

 

 

Pour ses partisans, ce statut de grand protecteur a été renforcé par sa gestion de l’épidémie de Covid-19 à la faveur d’une intense campagne de vaccination ayant permis au pays de retrouver une vie normale des mois avant le reste du monde.

A son dernier jour au pouvoir, Benjamin Netanyahu a confié qu’il considérait comme l’une des plus importantes réalisations de son mandat l’opération secrète, menée en 2018 par les services secrets israéliens et qui a permis à Israël de mettre la main sur des dizaines de milliers d’archives iraniennes.

Des années Netanyahu reste aussi cette image : un dessin naïf, une bombe dessinée au feutre, censé représenter les capacités nucléaires iraniennes brandies à la tribune des Nations unies en 2012.

Voix rauque de ténor, cheveux argentés inamovibles, souvent vêtu d’un complet-cravate, Benjamin Netanyahu est profondément marqué par l’héritage de la droite israélienne.

Né à Tel-Aviv le 21 octobre 1949, il tient ce bagage idéologique musclé de son père Benzion, ex-assistant de Zeev Jabotinsky, leader de la tendance sioniste dite « révisionniste », favorable au « Grand Israël ».

A l’opposé du processus de paix israélo-palestinien des années 1990, qu’il a contribué à enterrer, M. Netanyahu prône une vision d’Israël comme « Etat juif » avec des frontières s’étendant jusqu’à la Jordanie, d’où ses déclarations en faveur de l’annexion de pans de la Cisjordanie occupée et de mesures favorisant un boom des colonies.

Pendant la dernière décennie, le nombre d’habitants a augmenté de 50% dans les colonies en Cisjordanie pour dépasser les 475.000 personnes, vivant en parallèle de plus de 2,8 millions de Palestiniens, une présence accrue qui menace la création d’un Etat palestinien viable selon l’ONU.

Au tournant des années 1970, le jeune Netanyahu effectue son service militaire dans un commando d’élite. Mais c’est surtout son frère aîné, Yoni, qui se fait remarquer dans les rangs de l’armée.

En 1976, Yoni, commandant de l’unité chargée de libérer les otages d’un vol Tel-Aviv/Paris en Ouganda, est tué pendant l’assaut israélien.

Ce décès ébranle profondément Benjamin Netanyahu, qui fera de la « lutte contre le terrorisme », qu’il associe souvent aux Palestiniens ou aux Iraniens, l’un des fils conducteurs de sa carrière.

 

 

Il a « bâti son personnage politique autour d’une image de force et de l’idée selon laquelle les Juifs (…) devaient se montrer aussi durs que la région dans laquelle ils vivent », écrit dans ses mémoires l’ex-président américain Barack Obama.

Et de s’interroger sur le fait si Benjamin Netanyahu, qui a « hérité du zèle de son père à défendre Israël », a aussi « hérité de l’hostilité paternelle décomplexée envers les Arabes ».

S’il maintient des propos durs à l’endroit du leadership palestinien, il a aussi ardemment défendu la normalisation en 2020 des relations avec des pays arabes (Emirats, Bahreïn, Soudan, Maroc).

Orateur né, il est aussi diplomate de carrière, en poste aux Etats-Unis, pays où il a étudié, puis ambassadeur à l’ONU dans les années 1980.

En 1996, à 47 ans, il triomphe du doyen Shimon Peres et devient le plus jeune Premier ministre de l’histoire d’Israël. Il restera trois ans au pouvoir.

Il finit toutefois par revenir à sa passion, la politique, et reprend la tête du Likoud, jusqu’à redevenir Premier ministre en 2009. Depuis, Israël n’avait plus connu d’autre chef de gouvernement que lui.

Aujourd’hui, ses tombeurs sont d’anciens ministres comme Naftali Bennett, figure de la droite radicale, ou le centriste Yaïr Lapid, des anciens ministres sous Netanyahu et membres de la nouvelle coalition gouvernementale.

Après la conquête et la gestion du pouvoir, le roi Netanyahu descend de son trône en rêvant, dit-il déjà, d’y remonter.

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