Le coronavirus a tué plus d’Américains que la guerre du Vietnam

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Le bilan des décès causés par le nouveau coronavirus aux Etats-Unis dépasse désormais celui des soldats américains tués pendant la guerre du Vietnam, un cap symbolique franchi mardi alors que Paris et Madrid présentaient des plans prAvec la levée annoncée du confinement

Un soulagement empreint de peur au Nigeria

Morenike Alabi, couturière convertie en spécialiste de fabrication de masques, en est convaincue: « la peine, la faim, l’inactivité et les incertitudes de ce dernier mois vont se dissiper » avec la levée du confinement progressif prévu dans la majorité des Etats du Nigeria.
Le président Muhammadu Buhari a annoncé cependant lundi soir la mise en place d’un couvre-feu nocturne et du port du masque obligatoire à partir du 4 mai, dans le pays le plus peuplé d’Afrique (200 millions d’habitants) où les activités économiques vont pouvoir reprendre. A l’exception de l’Etat de Kano, dans le Nord, qui a connu ces derniers jours un nombre très importants de « décès mystérieux ».
Son intervention était attendue avec beaucoup d’impatience et d’anxiété, par les partisans du confinement, qui craignent une explosion des contaminations au coronavirus, et par l’immense majorité de la population qui ne peut plus survivre sans travailler au jour le jour.
« Au moins maintenant, les gens vont pouvoir avoir un peu d’argent pour se nourrir », conclut la couturière de Lagos, devant sa pile de masques en tissu faits-main.
Le gouvernement a mis en place de l’aide pour les plus pauvres, et les particuliers ont multiplié les réseaux d’entraide, mais dans un pays qui enregistre le plus grand nombre de personnes vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté, avec plus de 80 millions de personnes, les autorités elles-mêmes reconnaissent que c’est « une goutte d’eau dans l’océan ».
Pour le conducteur de bus Taju Olonade, le chef de l’Etat a enfin entendu « les pleurs du peuple ».
« Ca fait un mois que je n’ai pas gagné un centime. Ma famille entière dépend du peu d’argent que ma femme gagne au marché pour survivre », raconte l’homme à l’AFP.
« J’espère que la vie reviendra bientôt à la normale. » Le retour à la vie normale est toutefois un souhait que ni les épidémiologistes, ni les économistes n’osent envisager.
Beaucoup craignent une hausse importante des contaminations au coronavirus, qui dépassaient mardi les 1.400 cas et fait 40 morts dans le pays. Le nombre de tests est particulièrement insignifiants, et de nombreux Etats, peuplés de plusieurs millions d’habitants, ne disposent pas de laboratoires de dépistage.
« Décider ou non d’une levée de confinement est une décision extrêmement difficile à prendre », concède l’économiste de PwC Andrew Nevin, spécialiste pour le Nigeria.
L’arrêt de l’activité économique a été « dévastatrice » pour les journaliers qui dépendent de l’économie informelle, et qui représentent selon ce cabinet de conseil économique, 70% des travailleurs dans le pays.
« Est-ce que le déconfinement va entraîner automatiquement une explosion des cas de Covid-19? Pour l’instant, personne ne sait », explique-t-il à l’AFP.
Dans tous les cas, le gouvernement nigérian n’avait pas le choix compte tenu de l’augmentation du chômage et de l’inflation, tranche Chukwuka Onyekwena, directeur du think-tank économique basé à Abuja, Centre for the Study of the Economies of Africa.
Le Nigeria, premier producteur de pétrole du continent et qui dépend du brut pour 70% de ses revenus extérieurs, subit de plein fouet cette crise mondiale et n’a pas les moyens financiers de soutenir son économie.
« Avec la chute des cours du prix du baril, l’augmentation de la dette, et le peu de revenus fiscaux, le Nigeria dispose de peu de marge de manoeuvre pour répondre à cette crise et le futur parait très sombre », commente l’économiste dans une interview à l’AFP.
Dans l’Etat de Kano, où le confinement total se prolongera au delà du 4 mai, la situation est particulièrement inquiétante pour les 13 millions d’habitants.
Cette région, déjà particulièrement touchée par une pauvreté de masse, a enregistré ces derniers jours des « morts mystérieuses », et les cimetières accueillent « plusieurs dizaines » de corps par jour, selon un employé contacté par l’AFP.
Le gouverneur a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve qu’il s’agissait de décès liés directement au coronavirus, mais en l’absence ou presque de tests, ces morts sont impossibles à autopsier.
Dans les rues de Kano, grande ville millénaire du Sahel, beaucoup gardent le souvenir de la terrible épidémie de choléra et de méningite de 1996, qui avait tué près de 12.000 personnes.
Mais; malgré la peur, la faim tenaille. Auparavant, Yusuf Mohammed vendait des fruits pour nourrir sa famille de 18 personnes. « Avec ce confinement, je n’aurai bientôt plus aucune économie. »
udents de sortie du confinement.
Au total dans le monde, plus de trois millions de personnes ont été diagnostiquées comme malades du Covid-19 et plus de 215.000 en sont mortes malgré le confinement de plus de la moitié des habitants de la planète.
Pays le plus touché, les Etats-Unis ont passé le cap du million de cas. Encore plus marquant, 58.365 personnes y ont désormais succombé à la maladie, surnommée « l’ennemi invisible » par le président Donald Trump. C’est plus que les militaires américains tombés lors du conflit du Vietnam entre 1955 et 1975.
Si elle continue sa course macabre, la pandémie a toutefois ralenti et plusieurs pays européens et Etats américains se sont engagés dans la voie d’un très timide et relatif retour à la normale, rouvrant ici les restaurants, là les fleuristes ou encore les écoles.
En France, le Premier ministre Edouard Philippe a présenté à son tour une feuille de route pour remettre progressivement le pays en marche à partir du 11 mai. Les députés l’ont majoritairement approuvée.
Au programme: tests massifs, réouverture progressive des écoles, des commerces – mais pas dans un premier temps des cafés et des restaurants – et masque obligatoire dans les transports publics.
Les cinémas, grands musées et théâtres resteront eux fermés, comme les plages, et la saison sportive 2019-2020 ne reprendra pas. Les rassemblements de plus de dix personnes seront interdits.
« Nous allons devoir vivre avec le virus », a prévenu Edouard Philippe. « Un peu trop d’insouciance et c’est l’épidémie qui repart. Un peu trop de prudence et c’est l’ensemble du pays qui s’enfonce », a-t-il affirmé. « C’est une ligne de crête délicate qu’il faut suivre ».
Le gouvernement espagnol a aussi présenté mardi un plan de déconfinement par « phases » jusqu’à « fin juin », dont le calendrier dépendra de l’évolution de la pandémie.
Le confinement général du pays, le plus strict d’Europe, a déjà été légèrement assoupli dimanche avec l’autorisation pour les enfants de moins de 14 ans de se promener et doit encore l’être samedi avec la possibilité de faire du sport seul dehors ou de se promener entre membres du même foyer.
Les écoles resteront elles fermées jusqu’en septembre. En Italie, pays européen qui a payé le plus lourd tribut à la pandémie, les modalités du déconfinement prévu le 4 mai ont d’ores et déjà été précisées: rassemblements interdits, de même que les déplacements entre régions, port du masque obligatoire dans les transports, écoles fermées jusqu’en septembre.
D’autres pays européens ont déjà entamé une progressive levée des restrictions, avec la réouverture de nombreux commerces, mais toujours de stricts mots d’ordre de « distanciation sociale »: Norvège, Danemark, Suisse, Autriche, Allemagne…
Dans ce dernier pays cependant, le taux d’infection, très surveillé, a de nouveau atteint le seuil de 1,0 selon les autorités sanitaires, qui ont exhorté la population à rester prudente, alors que la chancelière Angela Merkel s’inquiète d’un déconfinement précipité.
Bon gré, mal gré, les Allemands se conforment déjà au masque obligatoire dans les transports. « Ca tient chaud, ça glisse, on respire mal », se plaint Emil, la vingtaine, qui attend son train de banlieue sur le quai d’une gare berlinoise. « Mais si c’est pour éviter les infections, ça me va ».
Aux Etats-Unis, l’Etat de New york, épicentre de la pandémie, résiste aux sirènes du déconfinement et ne s’y engagera pas avant le 15 mai. « L’émotion ne peut pas guider le processus », a jugé mardi son gouverneur Andrew Cuomo en appelant à se concentrer sur des indicateurs rationnels.
Des Etats moins affectés, comme la Géorgie, ont déjà rouvert certains commerces, le Texas doit faire de même vendredi et l’Alabama prévoit de rouvrir ses plages en fin de semaine.
Le président Donald Trump a fait savoir qu’il allait ordonner aux producteurs de viande de maintenir leurs activité sur fond de craintes de pénurie, plusieurs abattoirs ayant fermé après la contamination de salariés.
Pour le reste, il s’est fait discret, après des propos malheureux la semaine dernière sur de possibles injections de « désinfectant ». Mais c’est son vice-président Mike Pence qui s’est attiré des critiques en rendant visite à une clinique sans porter de masque de protection, au mépris des règles de cet établissement.
Plus consensuel, un escadron de l’armée de l’air et un autre de la marine ont survolé New York et ses environs pour rendre hommage aux soignants.
Au Royaume-Uni, les Britanniques, Premier ministre Boris Johnson en tête, ont eux observé une minute de silence en hommage aux soignants morts en combattant le nouveau coronavirus. « Ce sont les héros morts au combat de la nation », a déclaré le ministre de la Santé Matt Hancock.
En plus du bilan officiel de 21.678 morts, près de 4.300 personnes sont mortes en deux semaines, entre le 10 et le 24 avril, dans les maisons de retraite dans le pays, selon le Bureau national des statistiques (ONS).
Le président Vladimir Poutine a jugé mardi que la Russie (867 morts, la plupart à Moscou), n’avait pas encore atteint le pic de l’épidémie de coronavirus, tout en disant envisager une levée progressive du confinement à partir du 12 mai.
Déjà reportés à 2021, les Jeux olympiques initialement prévus cet été au Japon seront purement et simplement « annulés » si la pandémie n’est pas maîtrisée d’ici un an, a prévenu le patron du comité d’organisation Yoshiro Mori.
Ailleurs dans le monde, on continue de s’adapter comme on peut. Ainsi en Argentine, le monde du tango et ses danseurs de « l’étreinte » n’ont d’autre choix que de faire une pause. « La danse me manque », confie une professeure de 43 ans, résignée aux cours à distance. « Le seul espoir, c’est un vaccin… », lâche une autre amatrice.
Illustration du déconfinement auquel aspire une partie de la planète toujours cloitrée, les surfeurs australiens ont réinvesti la plage de Bondi, à Sydney. Ce célèbre « spot » de surf a été de nouveau autorisé mardi aux surfeurs, qui se sont rués dans les vagues dès le lever du jour. Elle reste néanmoins interdite aux promeneurs et amateurs de bronzage.

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