Le droit de ne pas importuner ou d’importuner, un faux débat ?
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Maï-Do Hamisultane-Lahlou
Une jupe trop courte qui pique les yeux, un mot déplacé au travail sans compter les blagues salaces du milieu hospitalier. S’offusquer, protester contre la domination masculine dont Bourdieu traite si bien dans son livre éponyme.
Assistons-nous après la révolution sexuelle à une révolution des genres ?
Pouvoir » être une femme jusqu’au bout des ongles » et interdire aux hommes la moindre réaction ? Pourtant siffler les filles en mini-jupe, ça fait très Dutronc et Belles Glorieuses. La classe, non ?
Mais cela est sans tenir compte du vécu psychique qui peut aller du sentiment de flatterie à l’indignation de l’individu qui en est l’objet. N’oublions pas qu’importuner est un verbe transitif.
On importune forcément quelqu’un, avec son histoire, sa sensibilité, ses traumas. Ce qui est pour certains anodin, peut signifier pour d’autres.
Si une réflexion dans la rue peut provoquer un véritable effondrement, c’est parce qu’elle renvoie à une douleur bien plus insupportable et indissociable du vécu du sujet.
Un faux débat , non. Un débat de surface, certes. Le mal est plus profond, plus grave, pour provoquer un tel mouvement d’insurrection .
Le terrain psychique le plus miné est souvent celui du foyer. Là où le très beau texte de Balzac La Femme de trente ans compare le mariage à une prostitution déguisée , Scarlett dans Autant en emporte le vent, se réveille ravie d’avoir été violée la veille par son mari Rhett Butler.
Et pourtant quelle femme n’a jamais rêvé d’être Scarlett O’ Hara ?
Le mal est bien plus insidieux qu’une main aux fesses ou une frotterie dans le métro. N’oublions pas que dans le roman de Balzac Julie de Chatillon épouse contre la volonté de son père Victor d’Aiglemont et qu’elle souffre d’autant plus qu’elle a l’impression d’être responsable de son malheur. Notre époque et sa liberté apparente de choix ne font plus de la domination masculine une domination subie mais choisie, d’où la volonté de vouloir s’en affranchir manifestement en s’insurgeant, en évoquant ce droit d’importuner ou de ne pas importuner. Mais c’est sans compter que ces actes renvoient avant tout à une histoire de la viol-ence et c’est elle qui est à éradiquer.