Oxford Business Group : le blocage de la VoIP est dans l’intérêt des les opérateurs
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Dans le but d’accroître les revenus dans le secteur de la communication vocale des opérateurs locaux, le Maroc a pris des mesures visant à limiter les services de voix sur le protocole Internet (VoIP), tels que Viber, Skype, WhatsApp et Facebook, a indiqué vendredi l’Oxford Business Group.
Après d’autres pays de la région, dont l’Egypte, le Sultanat d’Oman et les Emirats arabes unis, c’est au tour du Maroc d’interdire les plateformes over-the-top (OTT) afin d’aider les opérateurs à doper leurs recettes moyennes par abonné, a expliqué l’OBG.
Cette décision s’inscrit dans le cadre d’efforts communs déployés par les autorités réglementaires et le secteur privé dans le but d’améliorer les perspectives de croissance, a souligné le cabinet britannique d’intelligence économique.
Et d’ajouter que les autorités réglementaires cherchent à encourager sur le long terme les opérateurs marocains à élargir l’infrastructure du réseau Internet afin de pouvoir répondre à la demande accrue de services de données.
Les trois principaux opérateurs de téléphonie mobile du Maroc Maroc Télécom, dont l’actionnaire majoritaire est l’émirati Etisalat, Méditel, filiale locale du groupe télécom français Orange et Inwi, qui est détenu par l’entreprise locale Wana ont bloqué les services VoIP, laissant de nombreux abonnés mécontents.
Toutefois, l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) a expliqué que les applications bloquées ne disposaient pas des licences nécessaires et « ne remplissaient pas toutes les conditions requises pour être en conformité avec la réglementation en vigueur ».
Compte tenu des défis rencontrés par les opérateurs de téléphonie au cours des dernières années, les initiatives visant à encourager le recours aux services nationaux (et non aux plateformes OTT et VoIP) sont justifiées, a précisé l’ANRT, citée par l’OBG.
En effet, la forte popularité des médias sociaux et des applications mobiles a eu des retombées sur les recettes et les volumes d’appels. Le volume d’appels internationaux qui engendrent d’importants profits a particulièrement chuté alors que les Marocains sont de plus en plus nombreux à utiliser Internet pour effectuer gratuitement des appels audio et vidéo.
Selon un rapport de l’ANRT, cité par l’OBG, 92,8 pc des Marocains détenaient un compte Facebook, 56,7 pc de la population utilisent l’application WhatsApp, 44,1 pc possèdent un compte Google+ et 25,1 pc sont sur Twitter.
D’après les données de ce rapport, environ 42,1 pc des personnes interrogées se servent d’Internet pour téléphoner et plus de la moitié d’entre elles utilisent des services de messagerie instantanée.
« A long terme, le secteur des télécommunications devra faire face à une concurrence accrue des acteurs internationaux qui ne sont pas assujettis au droit marocain », a déclaré à l’OBG M. Azdine El Mountassir Billah, le directeur général de l’ANRT.
Selon les experts de l’OBG, le Maroc n’est pas le seul pays de la région à connaître une baisse des revenus, estimant que les opérateurs et les autorités réglementaires doivent instaurer un climat d’innovation et de collaboration s’ils veulent relancer la croissance.
Selon une enquête de l’ »Arab Advisors Group », citée par l’OBG, les taux des services prépayés au Maroc sont comparables aux tarifs moyens pratiqués dans les autres pays arabes, alors que les taux des services postpayés sont les moins chers de la région.
De façon générale, le secteur des télécommunications marocain se porte bien et jouit d’une demande en constante augmentation. Par exemple, l’année dernière, le nombre d’abonnés aux services de téléphonie mobile postpayés a progressé de près de 15 pc.
De 2009 à 2014, l’usage des services de téléphonie mobile a fortement augmenté : le nombre de minutes de téléphonie vocale mobile est passé de 10 à 47 milliards. Malgré cette forte hausse du nombre d’abonnés, les recettes moyennes par minute ont chuté de 16 pc en glissement annuel pour s’établir à 0.27 dirhams et cette tendance à la baisse se poursuit.
Selon l’ANRT, les prix, notamment ceux pratiqués dans le marché de la téléphonie vocale mobile, ont baissé de près de 75 pc entre 2009 et 2014.
Cette forte baisse a eu des répercussions sur l’ensemble des revenus du secteur. Conformément à son mandat, l’ANRT supervise le développement de l’infrastructure afin d’élargir la couverture à l’échelle nationale. Mais avec la concurrence accrue des plateformes OTT, l’Agence porte de plus en plus son attention sur les acteurs implantés au Maroc et les aide à adapter leur modèle d’entreprise au nouvel environnement opérationnel, a relevé l’analyse de l’OBG.
Le gouvernement encourage notamment les opérateurs à co-investir et à partager les infrastructures de télécommunications, en particulier dans les régions les moins densément peuplées.
« Le secteur des télécommunications subit de profondes transformations à l’échelle mondiale », a déclaré à l’OBG M. El Mountassir Billah, le patron de l’ANRT.
« Au Maroc, nous sommes particulièrement préoccupés par le recul des recettes des opérateurs nationaux en raison d’un manque de nouvelles sources de revenus liées aux données. Cependant, le développement de l’infrastructure Internet offre encore de nombreuses opportunités », a-t-il précisé.
Selon le DG de l’ANRT, la priorité doit désormais consister à attirer de nouvelles sources de revenus afin d’aider les opérateurs à compenser des marges toujours plus minces.
Conformément aux prévisions de l’ANRT, si le secteur accorde la priorité à la monétisation des services de données et au partage de l’infrastructure, il est sur la bonne voie pour inverser la tendance baissière des dernières années et franchir ainsi la barre des 34 milliards de dirhams (3,1 milliards d’euros) de recettes d’ici 2018. Cet objectif pourrait être atteint à condition que les autorités réglementaires dotent l’ensemble de la population des services mobiles à large bande (avec un débit de 2 mb/seconde) à l’horizon 2022, ont estimé les experts de l’OBG.
A la fin 2015, le Maroc comptait plus de 14,5 millions d’abonnés à Internet, soit un taux de pénétration de 42,8 pc. L’accès à Internet s’est accru de 45,2 pc en glissement annuel, le nombre d’abonnés qui s’établissait à 5,77 millions en 2013 a ainsi plus que doublé. La majeure partie des abonnés utilisent des services d’Internet mobile, alors que seulement 7,8 pc d’entre eux utilisent l’ADSL.