PLF 2020. Article 9 : Entre non-constitutionnalité et séparation des pouvoirs

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S’il y a quelque chose retenir des réactions de la société civile juridique et judiciaire des réactions contre l’article 9 du PLF, ce sera incontestablement la relative vitalité du corps des avocats et même celui des juges, qui, à travers le club des avocats a osé tenir tête au makhzen, qui est le seul responsable de cet article.

L’article 9 du projet de loi de finances 2020 stipule que les biens et les fonds de l’État et des collectivités locales ne peuvent pas faire l’objet d’une saisie à la source suite à un jugement ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Face à cette proposition, les avocats et les juges ainsi que les juristes de tous bords sont montés aux créneaux pour dénoncer une disposition qui porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et à la sacralité des décisions de justice.

Selon eux, ce texte de loi est non-conforme à la Constitution. Comme en 2015 et 2017, l’interdiction de la saisie des biens de l’État refait surface dans le projet de loi de finances. L’article 9 du PLF 2020 énonce que « les créanciers porteurs de titres ou de jugements exécutoires à l’encontre de l’État ne peuvent se pourvoir en paiement que devant les services ordonnateurs de l’administration publique concernée ».  « Lorsqu’une décision de justice définitive passée en force de chose jugée condamne l’État au paiement d’une somme déterminée, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de soixante (60) jours à compter de la date de notification de ladite décision judiciaire dans la limite des crédits ouverts au budget (…), les biens et les fonds de l’État ne peuvent, toutefois, faire l’objet de saisie à cette fin ».

Cette dernière ligne de l’article 9 fait couler beaucoup d’encre. « Arrêtez cette schizophrénie », titre les Inspirations éco dans son éditorial du 24 octobre 2019. Le journal estime que « L’État a dû croire pouvoir glisser une ligne à la fin de cet article de la discorde sans que personne ne s’en rende compte ». Samir Chaouki, directeur de la publication du quotidien estime que cette situation est injuste et n’hésite pas à accuser l’État de schizophrénie.

« N’est-il pas temps que l’État soigne sa schizophrénie. Car quand il veut recouvrir ses propres créances, il se sert  directement dans les comptes bancaires, via les tiers détenteurs, empêchant parfois les entreprises de verser les salaires du personnel ».

 

L’article 9 va à l’encontre de la Constitution de 2011

 

Opposés à cette loi, les magistrats font valoir l’article 126 de la Constitution de 2011 qui stipule que « les jugements définitifs s’imposent à tous et que les autorités publiques doivent apporter l’assistance nécessaire lorsque celle-ci est requise pendant le procès, comme elles sont tenues de prêter leur assistance à l’exécution des jugements ». Au-delà de la constitution, les juristes soulignent que cet article va à l’encontre des orientations royales qui exigent l’égalité des citoyennes et des citoyens devant la justice, rapporte le quotidien Al Massae dans son numéro du 24 octobre 2019.

La position des juristes aurait été entendue par le gouvernement de Saad eddine El Otmani. Le quotidien arabophone Al Akhbar indique, dans ses éditions du 24 octobre, que le gouvernement aurait annoncé sa volonté de réviser cet article. Selon le journal, El Otmani aurait mis en place une  commission présidée par Mustapha Ramid, ministre d’État chargé des droits de l’homme et des relations avec le parlement, et composée de Mohamed Benchaaboun, ministre de l’Économie, de Mohamed Benabdelkader, ministre de la Justice et de Mustapha Farés président délégué du conseil supérieur du pouvoir judiciaire, pour trouver une manière de réformer l’article en question. La commission se serait réunie mercredi 23 octobre, au siège de la primature.

Pour rappel, cette loi figurait dans l’article 8 du projet de loi de Finances de l’année dernière, mais, suite à la pression exercée par les avocats, elle n’était pas passée au Parlement.

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