Situation des migrants à Nador : les lacunes du rapport de l’AMDH
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Le rapport de l’Association marocaine des droits de l’homme- AMDH (section Nador) sur la situation des migrants subsahariens “ne reflète pas l’importance du sujet traité et ne respecte pas la méthodologie d’élaboration des rapports”, a souligné l’expert marocain en immigration, Chakib El Khayari.
“La façon dont le rapport a été présenté ne suggère pas qu’il en soit ainsi, mais qu’il s’agit simplement d’une exposition d’informations et de positions de manière très brève qui ne reflète ni l’importance du sujet, ni la méthodologie d’élaboration des rapports, comme il est d’usage”, a déclaré M. El Khayari à la MAP.
L’expert, un des premiers acteurs associatifs à s’investir dans la défense des immigrés subsahariens depuis 2005, a estimé que le rapport de l’AMDH confirme que son auteur n’était pas au fait des dispositions de la loi n° 02.03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et à l’immigration irrégulière, pointant du doigt nombre d’observations contenues dans ce document.
Il a souligné que certaines des idées présentées dans ce rapport “semblent très étranges au domaine des droits de l’homme en particulier”, d’autant plus que le rapport affirme que “les réseaux de l’immigration imposent des prix élevés pour la migration et qu’ils violent le droit au déplacement et à l’asile en imposant ces prix”, ce qui laisse entendre, selon lui, que “ce qui est demandé aux passeurs d’immigrés c’est de ne pas imposer des prix assez élevés”.
Le rapport considère également que “l’arrestation et l’expulsion de victimes servent les intérêts de ces réseaux qui s’approprient de l’argent des personnes interpellées dès leur arrestation”, comme si ce que l’on demande est “de ne pas procéder à ces expulsions, qui dans tous les cas serviront les intérêts de ces réseaux”, a relevé M. El Khayari.
S’agissant des lieux de détention des trois migrants, qualifiés d’illégaux par le rapport (commissariat de la police, le siège du commandement régional de la Gendarmerie Royale à Nador, le centre d’estivage relevant du ministère de la jeunesse et du sport dans la commune de Kariat Arekmane), l’expert a relevé que “le rapport se trompe lorsqu’il considère que les migrants ne peuvent être retenus dans des locaux hors de tout contrôle judiciaire et qui n’ont aucun lien avec les établissements pénitentiaires et les lieux de placement en garde à vue”.
Il a noté qu’en vertu de l’article 34 de la loi 03.02, un ressortissant étranger peut être retenu dans des locaux qui ne relèvent pas de l’administration pénitentiaire durant la période nécessaire pour sa conduite à la frontière ou, le cas échéant, son expulsion dans le respect de certaines conditions et procédures bien définies.
Bien qu’aucune loi organisationnelle définissant ces lieux n’ait été publiée, “la justice marocaine a établi un ensemble de conditions auxquelles doivent répondre ces lieux, en veillant au respect de la dignité humaine”, a-t-il poursuivi.
Concernant les conclusions du rapport de l’association qui a qualifié d’illégales les opérations d’éloignement des immigrés, M. El Khayari a jugé infondé “le recours au droit à la liberté de circulation pour affirmer que le transfert des ressortissants étrangers à l’intérieur du territoire national est une violation des droits de l’homme”.
Il a fait observer, dans ce sens, que la jouissance de ce droit, tel que soulignée dans l’article 12 du pacte international relatif aux droits civiques et politiques, requiert que le ressortissant étranger doit être en situation de séjour régulier dans le pays concerné.
“Le 3ème paragraphe du même article précise que la liberté de circulation ne peut être restreinte que par des mesures prévues par la loi”, a-t-il dit, notant que ces mesures sont indispensables pour la sécurité nationale, la préservation de l’ordre public et le respect des mœurs, des droits et des libertés d’autrui, comme elles sont en adéquation avec les autres droits reconnus dans le Pacte”.
Il a relevé que le comité concerné par les droits civiques et politiques a tranché sur cette question à travers son commentaire N°27 relative à l’article 12.
Au niveau de la législation marocaine, a-t-il enchaîné, la loi 02.03 de l’article 41 stipule que administration peut assigner à résidence un étranger ne disposant pas de carte de séjour, en raison de son comportement ou de ses antécédents, comme elle peut l’interdire de séjourner dans une ou plusieurs provinces ou préfectures, en lui fixant les endroits qu’il ne doit quitter sans l’obtention d’un laisser-passer délivré par les services de police ou de la gendarmerie royale.
M. El Khayari a conclu que “les opérations de reconduite aux frontières, d’expulsion ou de transfert au sein du territoire national sont des procédures administratives prévues par la loi et peuvent même inclure un mineur lorsqu’il est urgent de maintenir la sécurité de l’État ou la sécurité publique, conformément à l’article 27 de la loi n° 02.03”.
En ce qui concerne les raids contre les camps des migrants, qui, selon le rapport, ne sont pas fondés sur une décision de justice ni sur une base légale, l’expert en immigration a expliqué que “si l’État mène des raids contre les camps de migrants dans les forêts c’est que ces derniers planifient collectivement de pénétrer dans la ville occupée de Melilla ou attendent l’occasion de passer de l’autre côté de la rive”.
Cet expert a jugé “inconcevable” que l’État laisse ces immigrés dans cette situation qui menace à la fois sa sécurité et son ordre public, ajoutant que cette situation existe aussi dans d’autres zones non frontalières mais qui n’est pas traitée suivant la même approche.
À cet égard, l’expert s’interroge si le fait de permettre aux immigrés en situation régulière ou irrégulière de squatter les forêts adjacentes à la frontière avec le préside occupé de Melilla relève du domaine des droits de l’homme, notant que le travail dans ce domaine doit se focaliser sur le respect par l’Etat, dans ses interventions, des normes en vigueur dans ce domaine et non de protester contre ses interventions, ni contre l’exercice par les forces publiques de violences physiques qui ne sont pas considérées comme une violation des droits de l’homme si elles sont menées dans le cadre de la proportionnalité, régie par le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois des Nations Unies.