Violences faites aux femmes : volonté de réforme ou effets d’annonce ?
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Par Me Laamrani Abdelatif
La Loi numéro 13-103 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes vient d’être publiée au Bulletin officiel. Elle entrera en vigueur 6 mois après sa publication. Malheureusement l’amateurisme ayant présidé vraisemblablement à sa rédaction, le dispute à son inanité. Une autre loi pour l’effet d’annonce et le marketing des droits de la femme face à la communauté internationale l’emporte sur une véritable volonté de réforme…
Il est à craindre que cette loi crée encore plus de problèmes sociaux qu’elle n’en résolve. Copier en la forme d’anciens textes pénaux français sans aucune considération des spécificités propres à la société marocaine, se révélerait stérile pour le moins, voir problématique pour les victimes et même pour les présumés auteurs.
Dans certaines de ses dispositions cette loi est tout simplement anticonstitutionnelle puisqu’elle prévoit des infractions sans définition précise. Ce qui laisse aux juges répressifs une très grande marge d’interprétation du texte, ce qui est interdit en matière pénale par le principe de la légalité des délits et des peines et son corollaire : l’interprétation stricte de la loi pénale : « Nullum crimen, nulla pœna sine lege, c’est-à-dire « [il n’y a] aucun crime, aucune peine, sans loi »).
Si les textes sont farfelus, ne recouvrant pas rigoureusement les éléments constitutifs des infractions et sont trop larges, ils sont contraires à la constitution. Les libertés sont menacées par le législateur même qui est appelé à les préserver. Et la porte est ouverte aux juges, aux procureurs et aux inquisiteurs de tous poils de poursuivre quelqu’un pour « traite des êtres humains » alors qu’il a commis un délit d’atteinte à la pudeur, ou de condamner à la peine capitale un commissaire de police pour des galipettes sexuelles ou pour meurtre quelqu’un qui « a attenté à la vie d’un âne ! » comme nous le rappelle le célèbre commentateur du D.O.C François Paul Blanc, une perle parmi tant d’autres des décisions rendues par nos valeureux magistrats marocains.
Il en est ainsi de l’infraction du harcèlement sexuel, le texte marocain donne un début de définition peu précise, en disposant que serait punissable de 1 mois à 6 mois d’emprisonnement toute personne qui « gène » d’autres personnes soit par : des faits, gestes ou paroles à caractère sexuel dans des lieux publics (ou autres !), soit, par tout moyen, y compris par la voie de messages ou d’images à caractère sexuel !
En France, le Conseil constitutionnel avait déjà abrogé l’article prévoyant le délit de harcèlement sexuel en 2012 renvoyant le législateur à la rédaction d’un nouveau texte beaucoup plus précis…
Par contre, parmi les délits dignes d’intérêt de cette loi, ceux commis contre les deux sexes ou contre toute personne, réprimés par l’article 447-1 et 447-2 qui disposent que seront punis de 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 2000 à 120 000 Dhs toute personne qui intentionnellement procède à la captation, à l’enregistrement, à la diffusion ou à la distribution de déclarations, d’informations ou d’images prises de manière privée ou secrète sans le consentement de la personne concernée.