Inquiétude croissante autour de l’avenir de l’éducation spécialisée aux États-Unis

Les débats se multiplient à Washington après l’annonce de la possible suppression du Département de l’Éducation et le transfert des programmes destinés aux élèves en situation de handicap vers un autre ministère. Cette décision suscite une vive inquiétude chez plusieurs parlementaires, notamment 23 sénateurs démocrates, qui ont adressé une lettre officielle à la secrétaire à l’Éducation, Linda McMahon.

Dans cette lettre, coordonnée par la sénatrice Lisa Blunt Rochester du Delaware, les élus affirment que le démantèlement du département “causerait un tort considérable” aux élèves en situation de handicap. Ils rappellent que c’est au Congrès qu’il revient d’assurer, par le biais de la loi, un enseignement public gratuit et adapté dans l’environnement le moins restrictif possible. Depuis des décennies, cette mission incombe expressément au Département de l’Éducation, conformément à la loi fédérale sur l’éducation des personnes handicapées, connue sous le nom d’IDEA.

Cependant, un décret signé récemment par le président Donald Trump prévoit la fermeture de ce département et le transfert des programmes dits “special needs” vers le Département de la Santé et des Services sociaux (HHS). Selon les sénateurs, une telle réaffectation — sans l’aval explicite du Congrès — rendrait tout simplement inapplicable la législation actuelle, car le HHS ne dispose pas de l’autorité légale pour appliquer la loi IDEA.

Les parlementaires s’alarment aussi du manque de clarté concernant les conséquences d’éventuelles suppressions de postes ou de subventions qui pourraient toucher directement les élèves concernés. Ils exigent que Linda McMahon précise les critères selon lesquels ces décisions sont prises, ainsi que ses engagements pour respecter les obligations statutaires en matière d’enquête sur les discriminations liées au handicap. Ils demandent également des preuves concrètes montrant que le transfert des programmes vers un autre ministère améliorerait réellement les résultats éducatifs des enfants en situation de handicap.

Selon les sénateurs, le Département de l’Éducation possède des compétences spécifiques et une longue expérience dans le domaine de l’éducation spécialisée. Déléguer cette mission à un ministère déjà surchargé reviendrait à revenir à une époque où le handicap était considéré uniquement sous un angle médical, ce qui avait pour effet d’exclure de nombreux enfants de l’enseignement public inclusif.

“Nous sommes profondément préoccupés par les conséquences que ce transfert pourrait avoir sur le système éducatif dans son ensemble,” écrivent-ils. “Nous ne pouvons pas courir le risque de retomber dans des conceptions dépassées et déshumanisantes du handicap, qui ont privé des millions d’enfants de l’éducation à laquelle ils ont droit.”

Malgré l’annonce du président Trump, l’avenir du Département de l’Éducation reste incertain. Sa suppression ne pourrait se faire sans une décision formelle du Congrès, puisqu’il s’agit d’une institution créée par la législation fédérale. Par ailleurs, la loi IDEA impose la création d’un Bureau des Programmes d’Éducation Spéciale au sein même du Département de l’Éducation, afin d’assurer la coordination de toutes les activités liées à la scolarisation des enfants en situation de handicap.

Un porte-parole du département a confirmé cette semaine qu’“aucune action concrète n’a encore été entreprise pour déplacer les programmes fédéraux hors du Département de l’Éducation”, sans toutefois répondre aux questions spécifiques soulevées dans la lettre des sénateurs.

De son côté, le secrétaire à la Santé, Robert F. Kennedy Jr., a déclaré le mois dernier sur le réseau social X que son département était “pleinement préparé à assumer la responsabilité d’accompagner les personnes ayant des besoins spécifiques”. Toutefois, aucun plan concret n’a encore été dévoilé, et le ministère de la Santé n’a pas répondu aux demandes de précisions sur le sujet.

Cette incertitude laisse les familles et les défenseurs des droits des élèves handicapés dans l’attente, face à un avenir encore flou pour l’éducation spécialisée aux États-Unis.